Vieillissement : tous les équipements y sont soumis

Quand on évoque le vieillissement au sein des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), il est commun de penser au plan de modernisation des installations industrielles (PMII)1 . L’application de ce plan vise à maîtriser l’intégrité de l’outil industriel pour se prémunir des risques technologiques et environnementaux associés à certains équipements et ouvrages. Ce flash revient sur la considération du vieillissement via, notamment, trois exemples tirés de l’accidentologie de la base de données ARIA : l’un survenu sur un équipement soumis au PMII et deux sur des équipements ne relevant pas de cette réglementation. Ces exemples révèlent que, si des accidents impliquent encore des équipements suivis au titre du PMII, l’accidentologie n’est pas non plus en reste pour des équipements qui n’y sont pas soumis. Au-delà du champ réglementaire fixé par le PMII, l’analyse de l’accidentologie démontre bien que, soumis ou non à cette réglementation, le vieillissement des équipements mérite une attention particulière.

Source : https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/

Qu’est ce que le vieillissement ?

Le vieillissement des installations industrielles est un phénomène normal, continu et progressif. Il est réducteur d’associer le « vieillissement » d’un équipement à la seule notion de son âge. Les propriétés des matériaux, l’intensité des contraintes et conditions d’exploitation, l’environnement de fonctionnement, sont autant de facteurs contributifs qu’il convient de connaître et suivre. Ainsi, la maîtrise du vieillissement d'une installation nécessite d’identifier, de détecter, d’évaluer et de hiérarchiser les principaux vecteurs de vieillissement afin de prendre les mesures pour les atténuer, les différer ou les supprimer.

Une brèche se produit en partie haute d'un bac vertical rempli à 96 %

ARIA 51102 – 20/01/2018 – JURA

Une brèche se produit en partie haute d'un bac vertical rempli à 96 % d'eau pluviale mercurielle dans une usine chimique. Ce bac de 628 m³ en acier revêtu par liner, est utilisé pour collecter un surplus d'eau pluviale. Le personnel détecte l'incident vers 4h30 lors d'une ronde. 134 m³ rejoignent la SAÔNE, soit un flux de 65 g de mercure. En mai 2017, une inspection du bac avait mis en évidence un état dégradé de celui-ci (bac non soumis au PMII). Sa mise à l'arrêt avait été programmée pour fin avril 2018, délai nécessaire pour substituer ce bac par un autre réservoir existant. Dans l'attente de cet arrêt définitif, le bac n'a pas été déconnecté en vue d'un éventuel stock important d'effluents à entreposer. La consigne d'exploitation du bac a été adaptée (limitation du taux de remplissage à 60 %) et son utilisation a été dépriorisée. L'arrêt imprévu de l'installation de traitement des eaux résiduaires par rupture de livraison d'un des réactifs utilisés par la station, associé à une forte pluviométrie, ont engendrés un stock d'effluents de plus en plus important. Afin de prendre en charge ce stock, le bac a été utilisé, puis, son taux de remplissage dépassé. Le non-respect de cette consigne a été permis par l’exploitant pour faire face à cette situation singulière. En mai 2012, une rupture de bac de saumure mercurielle avait relargué 2,5 kg de mercure dans la SAÔNE (ARIA 42346). ©

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Une fuite de chlore se produit sur la tuyauterie gaz à l'aspiration du compresseur

ARIA 52654 – 23/11/2018 – RHÔNE

njg7we9smmuqeltbntevqnexmeecnsid.pngDans une usine de fabrication de PVC, au démarrage d'un dépotage, une fuite de chlore se produit sur la tuyauterie gaz à l'aspiration du compresseur, à l'extérieur du bâtiment de stockage de chlore. La vanne est fermée pour isoler la fuite. Des fumerolles blanches sont constatées. Étant donné un vent très faible, le nuage stagne, puis se dirige ensuite vers une entreprise voisine qui évacue son personnel. D'après l'exploitant, la fuite a duré 1 minute à 3 bar, conduisant au rejet de 5 kg de chlore. Il indique que cet événement n'a pas généré d'effets irréversibles à l'extérieur de la plateforme chimique. La fuite se situe au niveau d'un coude plein. Une corrosion localisée est suspectée par la présence de chlorure ferrique. La tuyauterie, pouvant être à l'origine d'accidents majeurs, fait l'objet d'un suivi 

au titre du PMII. L'inspection des installations classées constate que les rapports d'inspection des tuyauteries sont incomplets :

  • ils ne permettent pas d'avoir un suivi des mesures d'épaisseur effectuées
  • les points de singularité des lignes ne sont pas clairement identifiés sur les schémas
  • le mode de dégradation par le chlorure ferrique n'est pas identifié.

Fuite de dioxyde et de trioxyde de soufre (SO2 et SO3) est détectée visuellement sur une chaudière d'une unité de production d'acide sulfurique

ARIA 57492 20/06/2021 ISÈRE

Vers 13h40, à la suite d'un orage, une fuite de dioxyde et de trioxyde de soufre (SO2 et SO3) est détectée visuellement sur une chaudière d'une unité de production d'acide sulfurique. Un panache blanc se dégage, mais reste à l'intérieur du site. Vers 14h20, l'unité acide sulfurique est arrêtée et l'alerte gaz confinant l'ensemble du site est lancée. Un rideau d'eau est mis en place à proximité de la fuite par l'exploitant. Les relevés atmosphériques sont nuls (détecteurs fixes de l'entreprise et détecteurs mobiles des pompiers internes et externes). Vers 17h45, le panache n'est plus visible. Une légère odeur persiste au sein du site. Il n'y a pas de ressentis de picotements ou d'irritations par la population. La fuite est localisée au niveau de la calandre sur une soudure présentant une fissure de 800 mm de long sur 1 mm de large. Six ans plus tôt, lors d'un changement de faisceau de la chaudière, une ouverture a été faite dans la calandre en inox. Des plaques en inox ont ensuite été soudées pour refermer la calandre. Le métal d'apport (acier) ainsi que la pénétration de la soudure (1 mm pour 5 mm) étaient inadaptés. Un défaut de calorifuge a contribué au choc thermique (par l'eau de pluie) au niveau de la soudure. La calandre n'est pas soumise à la réglementation des appareils à pression et la chaudière n'est pas suivi au titre du PMII. L'exploitant n'a pas exigé de dossier de soudure. Ce scénario n'est pas étudié dans l'étude de dangers du site, à l'inverse de celui d'une fuite de diamètre de 5 mm consécutive à une rupture d'un tube entraînant la formation de vapeur dans la calandre et son perçage.

L’analyse des accidents de la base ARIA révèle que les symptômes du vieillissement n’ont bien souvent pas été anticipés, pas détectés à temps, ou ont été minimisés.

La réglementation ne peut appréhender toutes les situations particulières de chaque établissement. Qu’elles découlent de prescriptions réglementaires ou non, celles-ci doivent être identifiées par une analyse appropriée et spécifique. La maîtrise du vieillisement revêt un double objectif : de sécurité mais aussi économique du fait des potentielles indisponibilités. L’analyse du retour d’expérience rappelle les clefs d’une maîtrise du vieillissement efficace :

  • Identifier les équipements à risques ou concourant à leur maîtrise L’ensemble des équipements, incluant ceux associés aux utilités, doit être analysé (bacs, rétentions, tuyauteries, capacités, supports, caniveaux/fosses humides, instrumentation...) tout comme leurs points singuliers (« bras morts », piquages, supportage, revêtements protecteurs, soudures, entrée/sortie de terre...). Les difficultés d’accès ne doivent pas constituer un frein à l’identification puis aux contrôles
  • Connaître les équipements et suivre leur évolution Le cahier de vie de l’équipement doit être disponible : données de conception, des matériaux, les conditions d'exploitation, l’environnement potentiellement agresseur, l'historique de maintenance et de surveillance, les données de retours d'expérience sur des matériels analogues / similaires
  • Détecter les vecteurs de vieillissement et savoir les analyser Trop d’événements surviennent du fait d’une détection tardive ou non anticipée, alors que pourtant des signaux faibles ont été relevés par l’exploitant. La connaissance des équipements et le suivi de leur évolution doivent permettre de déterminer les mécanismes et cinétiques de dégradations possibles. Les inspections (internes et externes), le suivi de paramètres caractéristiques du vieillissement ainsi que des indicateurs de fiabilité doivent être mis en place afin que les dégradations n’évoluent pas en perte de fonction de l’équipement
  • Prendre les mesures pour atténuer, différer ou supprimer les vecteurs de vieillissement Les contrôles réalisés doivent être appropriés. Cela implique de choisir la bonne méthodologie mais aussi le bon matériel. Ensuite, de la vigilance lors de l’interprétation des résultats vont découler la pertinence de la périodicité des contrôles, de l’échéance des réparations/remplacements, du choix du maintien en service ou des changements des conditions d’exploitation. Des modifications matériels et/ou des procédés peuvent permettre, après une analyse des risques détaillée, d’améliorer à la fois la robustesse de l’installation aux effets du vieillissement mais aussi d’améliorer les opérations de suivi.

La base de données ARIA du BARPI
contient plus de 2 800 événements

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(France et étranger) impliquant le vieillissement comme facteur déclenchant ou aggravant d’une
situation à risque, tous secteurs industriels confondus. L’illustration ci-contre en donne la répartition globale
au niveau français, notamment sur les ICPE.

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